Lorsque que je vois les jeux paralympiques à la télé, je ne peux m’empêcher de repenser à ce soir du 19 avril 2002, à ce moment où le jeune Mohamed K. n'a pas eu envie de s’arrêter au feu rouge (depuis 8") et où, en une fraction de seconde, il a fait basculer la vie d'une famille pour toujours.
Alors Kélian avait 1 an et demi et il était question de lui donner un frère, une sœur. Ce projet restera dans notre cœur enfoui pour toujours, et Kélian grandira seul, entouré d'amour certes, mais....
Pour moi aussi la vie avait d’autres projets : après les championnats du monde en Autriche, j'aurais sûrement préparé les Jeux d’Athènes, dans d'autres conditions que celles auxquelles j'ai voulu me raccrocher en 2004, et nul doute qu'un autre travail se serait présenté à moi... J'ai espéré, mais j'étais loin de mes performances d'avant 2002 ! Je n'aurais pas vendu ma maison sur les hauteurs de Crest, je n'aurai pas imposé aux miens toute la souffrance physique, morale qui, de mienne est devenue aussi la leur. J'aurais pu partir en vacances, visiter des endroits que je souhaitais connaître, marcher en montagne, courir avec mon fils, enfin vivre comme un homme, quoi...
Le sens de cette lettre ouverte à Groupama, c’est celui d’un cri d'alerte. Je vais parler de moi, non pas par goût de la plainte, mais parce que mon cas est celui de milliers d’autres personnes, vivant au quotidien un véritable enfer, non pas tant physique (et pourtant !) que, bel et bien, psychologique.
Suite à cet accident, j'ai été privé de tant de choses qui me tenaient à cœur. De mon métier tout d'abord, puisque j'ai été licencié pour inaptitude définitive à mon poste de travail. De mon sport aussi, qui y était étroitement rattaché, étant membre de l'équipe de France de cyclisme handisport. De ma famille enfin : je ne pourrais plus vivre comme avant, je ne jouerais plus jamais comme un père avec son gamin, pour ne rien dire de ma mère et de mes grands-parents qui ont souffert au possible de me voir, à nouveau, dans cet état pitoyable... Mais de cela, Mesdames, Messieurs les assureurs, de cela, on se remet pour peu qu’on en ait l'envie, la force, et surtout qu’on soit bien entouré. Mais qu’une seule de ces fragiles conditions manque à l’appel, et tout vire au désastre : les suicides, les familles qui explosent, les consécutions malheureuses qui vous conduisent au pire - et parfois en prison.
Ce que je veux dénoncer ici, ce sont vos méthodes: vous exercez sur nous des pressions psychologiques énormes dans le seul but de nous faire baisser les bras. Dans chaque affaire sérieuse où vous devez indemniser des victimes, c’est-à-dire des gens qui ont subi un dommage, qui ont pâti d’une situation, sans avoir rien fait pour qu’elle advienne, et qui n’ont évidemment pas demandé à se retrouver frappé de handicap, vous mettez une pression terrible en vous servant de votre argent.
Vous n’existez que par et pour l’argent, et incarnez la parfaite antithèse des valeurs que vous prétendez promouvoir à longueur de campagnes promotionnelles : « prévoyance », « protection », « solidarité », « souci » sont des mots dont l’idée ne vous représente qu’affectée du signe négatif. Ce que vous représentez dans la vie de vos souscripteurs n’est pas une « assurance » — ne parlons pas de « réconfort », la veine comique n’est pas appropriée ici — mais un surcroît de danger.
« Enquêter » peut avoir un sens noble — on assimile le terme à la naissance de la discipline historique. Mais c’est « fouiller » (dans les poubelles de l’histoire), qui vous conviendrait mieux. Éplucher réseaux sociaux et publications, pour conclure à un mensonge délibéré de ma part, comme si j’avais su en mai 2016 que j'allais être amputé en octobre 2017 : à mes oreilles cela sonne comme de la diffamation, et vous savez que je peux vous poursuivre pour ça. De même, quand vous expliquez au juge que j'ai falsifié un document officiel sans votre accord en modifiant une date, ça aussi c'est de la diffamation et pour cela aussi je pourrai vous poursuivre. Bien au contraire de ce que vous affirmez, c'est vous qui avez maquillé la date de ma rechute AT, six mois plus tard en faisant mine de ne pas savoir, alors que vous aviez tous les éléments en mains. Vous vous retranchez derrière la justice, mais vous portez des accusations sans que les victimes ne puissent se défendre en direct devant le juge et ça, il faut que ça s'arrête car c'est juste insupportable.
Vous vous servez des réseaux sociaux pour m'atteindre ? Alors je vais faire de même en révélant ce que sont vos méthodes pour nous faire renoncer.
Cela fait dix-sept longues années que je suis en guerre contre vous, et jamais vous n'avez seulement daigné répondre aux courriers de mon avocate. Vous avez systématiquement laissé pourrir les choses en jouant la montre et en allant au bout de ce que à quoi la Loi — la lettre et pas l’esprit, vaut-il de le dire ? — vous autorise: cela montre le peu de respect dans le lequel vous tenez la personne humaine. Pour vous, nous ne sommes qu'un dossier. Jamais il ne vous est venu à l’idée le fait que si je me battais depuis tant d'années, c'est que j'avais peut-être quelque à dire. Votre argent, je n'en ai rien à faire. Je veux que vous assumiez les torts causés par votre assuré, selon le contrat qui vous lie. [Je veux que ça passe et ça va passer, je peux vous le garantir.]
Nous sommes le 25 Mai 2019, et j'en appelle à toutes les bonnes volontés qui veulent que les choses bougent, changent, avancent. Vouloir changer l'Europe sans être capable de faire changer les choses chez soit peut paraître illusoire non?
Nous ne pouvons pas laisser ces entreprises qui font des milliards de bénéfices chaque année, nous dicter leur façon de faire. Ils assurent des biens, des véhicules, des personnes et quand leurs assurés font des bêtises et qu'ils doivent payer la note, il n'y a plus personne.
Je suis Dominique Bard, un homme qui n'a jamais ni baissé les bras, ni baissé les yeux devant qui que ce soit quand il est dans son bon droit, et qui n’est pas résolu à le faire.
À bon entendeur.
Fémur et col fémoral cassés en 7 morceaux plus le psoas arraché. L'envie de m'en sortir me fera avancer beaucoup trop vite au regard des 14 fractures que j'ai eu ce soir là. J'aurai dû laisser la vie se faire et accepter que je ne serai plus jamais comme avant car même si ça été le cas, j'ai toujours refusé cet état de chose ce qui, aujourd'hui plus de 17 longues années après, me conduit à toujours être en conflit avec une assurances qui ne veut pas reconnaître que son assuré a définitivement changé la vie non pas d'une personne, mais bel et bien d'une famille entière.